top of page

Article du Monde du 13 avril 2016 par Hervé Morin

 

Par où Hannibal (247-183) est-il passé pour franchir les Alpes, avec son armée et ses éléphants, en 218 avant Jésus-Christ, en route vers Rome qu'il n'atteindra jamais ? Depuis deux millénaires, historiens et savants débattent du chemin choisi, passant au crible les textes antiques pour les rapprocher de la toponymie et de la géographie locales. L'archéologie est restée muette, nuls vestiges, monnaies ou poteries antiques n'ayant été retrouvés sur les divers trajets présumés des 30 000 fantassins, 7 000 cavaliers et 37  pachydermes du général carthaginois. Mais des travaux pluridisciplinaires, dirigés par le géologue William Mahaney (université York, Toronto) et publiés dans la revue Archaeometry, pourraient bien mettre un point final à ces querelles grâce à un indice inattendu : du crottin de cheval.

" Ce qu'a fait Mahaney, c'est un réexamen des textes anciens avec des yeux de géologue ", commente Pierre Tricart (université de Grenoble), auteur d'une carte géologique du Queyras, qui a accompagné le Canadien dans ses prospections. En  2008, l'équipe avait analysé des glissements de terrain en contrebas du col de la Traversette (3 000  m d'altitude), près du mont Viso, correspondant à des descriptions antiques.

" Depuis le col, on peut voir l'Italie, ce qui est aussi mentionné dans certains textes ", indique Pierre Tricart. En  2011, les chercheurs sont revenus sur place pour s'intéresser à une tourbière située côté français, peu avant le col, au creux d'un replat creusé par un glacier ancien : un endroit idéal pour se désaltérer et faire bivouaquer une armée.

Les carottes prélevées dans la tourbière ont parlé. Dans des niveaux datés au carbone  14 correspondant au passage d'Hannibal, des analyses génétiques ont montré la présence en abondance deClostridium, une bactérie intestinale des mammifères, tandis que la chimie révélait de grandes quantités de dérivés de matière fécale. " On a aussi retrouvé dans ces échantillons un Å“uf de ténia de cheval ", souligne Pierre Tricart.

Autre indice, la tourbe présente, dans les strates correspondant au passage possible de l'armée punique, un " horizon plissoté " qui fait penser à " un piétinement par des chevaux ", ajoute le géologue grenoblois. Ne pourrait-il pas s'agir de simples traces de transhumance ? " La portion perturbée est très marquée, ponctuelle, exceptionnelle ", alors qu'avant et après les sédiments se sont accumulés -sagement.

Durant l'été 2015, l'équipe internationale est retournée sur place pour effectuer d'autres prélèvements, avec la bénédiction préfectorale – le site se trouve dans la réserve naturelle de Ristolas-Mont-Viso. " Nous procédons à une analyse méta-génomique totale ", explique le microbiologiste Chris Allen (université Queen's, Belfast). Pour trouver des traces ADN de parasite d'éléphant, ce qui constituerait une preuve définitive ? " On a calculé que 1  % des matières -fécales viendrait des éléphants. Pour en trouver, il faut soit -beaucoup d'échantillons, soit beaucoup de chance ", dit-il, donnant rendez-vous dans quelques mois pour la réponse

bottom of page